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dieux. Il prit avec lui des devins et des prêtres, et il monta au Capitole, que les Romains d’alors nommaient la colline Tarpéienne. Là, le principal augure lui voila la face, le tourna vers le midi, et, se tenant derrière Numa, lui imposa la main droite sur la tête, fit une prière, et porta sa vue de tous les côtés, pour observer ce que les dieux feraient connaître par le vol des oiseaux ou par d’autres signes. Cependant un silence incroyable régnait dans cette foule qui remplissait le Forum : tous les esprits attendaient en suspens ce qui allait arriver, jusqu’à ce qu’enfin il parut des oiseaux de bon augure, et qui tirèrent à droite. Alors Numa prit la robe royale[1], et il descendit de la citadelle, pour se rendre au milieu du peuple. Bientôt on entendit une clameur de joie, et le roi fut salué des noms d’homme saint entre tous, et le plus chéri des dieux.

Son premier acte, quand il eut pris possession de la royauté, fut de casser la compagnie des trois cents gardes que Romulus avait toujours auprès de sa personne, et qu’il appelait Célères, c’est-à-dire vites à la course. Numa ne voulait ni paraître se défier de ceux qui se fiaient à lui, ni régner sur des hommes qui n’auraient pas eu en lui une pleine confiance. En second lieu, aux deux prêtres de Jupiter et de Mars il en ajouta un troisième, pour Romulus, et il l’appela Flamine Quirinal. Ce nom de Flamine était celui qu’on donnait déjà aux deux autres prêtres, à cause des bonnets dont ils se couvraient la tête : c’est comme qui dirait, en grec, pilamines. C’est un fait constant que les mots grecs étaient alors plus communs dans la langue latine qu’ils ne le sont aujourd’hui[2]. Les manteaux que les rois portaient, et qu’on appelait lènes, sont, suivant Juba, nos chlènes. Le jeune garçon qui fait le service dans le temple de Jupiter est

  1. C’était la trabée, ou robe de pourpre à bandes blanches.
  2. Ce passage justifie une correction que nous avons faite dans la Vie de Romulus.