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fidèle, et s’il n’avait pas entrepris trop souvent de marcher seul et sans guide !

Telle est ma pensée et sur les mérites et sur les défauts de mes devanciers. Je l’ai dite tout entière, librement et sans détour, parce qu’il y avait, à mon avis, dans les opinions courantes, quelques préjugés à combattre, quelques erreurs à rectifier. Quoi qu’il en soit, il m’a paru qu’une traduction nouvelle du grand ouvrage historique de Plutarque pouvait n’être pas de trop, même après quatre autres, et surtout après celle que le vulgaire estime le plus aujourd’hui. Mon travail n’a, du reste, nulle prétention scientifique. Mon dessein n’était pas d’inventer Plutarque, mais de le reproduire. Mes découvertes, si j’en ai fait, ne valent pas la peine d’être notées. Dacier, je le répète, avait retourné à fond, et dans tous les sens, le texte de Plutarque. Je me suis trouvé, en face de mon auteur, à peu près dans la position d’un humaniste faisant, comme nous disons, son Tite-Live ou son Suétone. C’est sur la traduction proprement dite qu’a porté principalement, presque uniquement, tout mon effort. Je n’ai rien négligé pour retracer aux yeux, autant qu’il était en moi, une image complète et fidèle, et qui pût, non point tenir lieu de l’original, mais le rappeler suffisamment à ceux qui le connaissent, et donner à ceux qui ne l’ont point vu une idée vraie de son port et de sa physionomie. Puissent ceux qui voudront bien me lire, ne pas juger que j’aie perdu mon temps ; et puissé-je avoir restitué à Plutarque quelque chose de ce lustre et de ces charmes dont les successeurs d’Amyot avaient dépouillé, comme à plaisir, le noble vieillard de Chéronée !

Paris, 15 mai 1843.
Alexis Pierron.