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, et il était le plus jeune de quatre frères. Sa naissance, par l’effet d’une rencontre divine, datait du jour où Rome avait été fondée par Romulus : c’est le 11 des calendes de mai[1]. Porté par un heureux naturel à toutes les vertus, il s’y était façonné davantage encore par l’instruction, par la patience et par la philosophie. Il avait purifié son âme, non-seulement de toutes les passions honteuses, mais même de celles qu’honorent les barbares, la violence et la cupidité. Le véritable courage, pensait-il, consiste à soumettre ses désirs au joug de la raison. D’après ces principes, il avait banni de sa maison tout luxe et toute magnificence. Il se montrait, pour les citoyens et pour les étrangers, un juge et un arbitre incorruptible. Il consacrait ses loisirs, non à rechercher les voluptés ou à amasser des richesses, mais à honorer les dieux, à s’élever par la raison à la connaissance de leur nature et de leur puissance ; enfin, il s’était acquis tant de réputation et tant de gloire, que Tatius, le collègue de Romulus dans la royauté de Rome, le choisit pour son gendre, et lui donna en mariage Tatia, sa fille unique. Loin qu’il se sentit le cœur enflé de cette alliance, et qu’il quittât son pays pour aller vivre près de son beau-père, il continua de rester à Cures, pour soigner son vieux père ; et Tatia elle-même préféra la condition privée de son mari, avec le repos dont il jouissait, aux honneurs qu’elle eût trouvés à Rome, dans la maison paternelle.

Tatia était morte, dit-on, après treize ans de mariage. Numa, depuis sa mort, avait quitté le séjour de la ville, et, d’ordinaire, il habitait la campagne. Son plaisir était de se promener solitaire dans les bocages des dieux, dans les prairies consacrées, et dans les lieux déserts. C’est ce genre de vie qui donna, je pense, l’occasion au bruit

  1. Le 21 avril 753. Ceci est sans doute un de ces rapprochements imaginaires comme on en trouve si souvent dans les traditions relatives aux grands hommes.