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laideur plus terrible. Leurs exercices étaient plus doux dans les camps que dans les gymnases, leur genre de vie moins dur et sujet à moins d’exigences ; et les Spartiates étaient le seul peuple au monde pour qui la guerre fût un délassement des exercices qui les préparaient à la guerre.

Quand l’armée était rangée en bataille, et qu’on se trouvait en face de l’ennemi, le roi immolait une chèvre, et il ordonnait à tous les soldats de mettre des couronnes sur leur tête, et aux musiciens de jouer sur la flûte l’air de Castor ; lui-même il entonnait le chant de guerre, signal de la charge. C’était un spectacle à la fois majestueux et terrible, de les voir marcher en cadence, au son de la flûte, chacun à son rang de bataille ; personne ne rompait ; pas une âme n’était troublée par la crainte : c’était d’un pas grave et d’un air joyeux qu’ils allaient, au son de la musique, affronter le péril. C’est qu’il est vraisemblable que des hommes, avec les sentiments qui les animaient, ne sont agités ni par la crainte ni par la colère ; ils sont pleins d’assurance, d’espoir et d’audace, et ils comptent sur la protection des dieux.

Le roi marchait à l’ennemi, accompagné d’un guerrier ayant vaincu dans les jeux de la Grèce, et ayant remporté une couronne. On conte, à ce sujet, qu’un athlète Spartiate refusa une somme considérable qu’on lui offrait, pour l’engager à ne pas combattre aux jeux olympiques. Il terrassa son adversaire, non sans de rudes efforts. « Quel si grand avantage, ô Laconien ! lui dit quelqu’un, as-tu gagné à ta victoire ? » Il répondit, en souriant : « Je combattrai en bataille devant le roi. »

Quand ils avaient mis en déroute l’ennemi, et qu’ils étaient vainqueurs, ils ne poursuivaient les fuyards qu’autant qu’il le fallait pour assurer l’avantage. Ils s’arrêtaient alors, persuadés qu’il n’était ni généreux, ni digne d’un peuple grec, de tailler en pièces et de massacrer des gens qui s’avouent vaincus, et qui ont lâché