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Lycurgue était lui-même très-concis dans son langage, et très-sentencieux, à en juger par les réponses qu’on a conservées de lui. Voici un de ses mots sur le gouvernement. Un homme lui conseillait d’établir la démocratie à Lacédémone : « Commence par mettre la démocratie dans ta maison. » En voici un autre, sur les sacrifices. On lui demandait pourquoi il n’avait prescrit que des victimes si petites et de si mince valeur : « Afin, dit-il, que nous ayons toujours de quoi honorer les dieux. » Il dit, à propos des luttes gymnastiques : « Je n’ai défendu aux citoyens que les combats où l’on tend les mains. » On cite de lui d’autres réponses semblables, qu’il avait faites dans des lettres à ses concitoyens. « Comment pourrons-nous repousser l’incursion des ennemis ? — Si vous demeurez pauvres ; si personne ne convoite une part plus grande que celle des autres. » Et, au sujet des murailles : « Une ville n’est jamais sans murailles, quand elle est environnée non de briques, mais d’hommes de cœur. » Au reste, on ne saurait ni nier ni affirmer sans hésitation l’authenticité de ces lettres et d’autres semblables.

Quant à l’aversion des Lacédémoniens pour les longs discours, c’est ce que prouvent les bons mots que je vais rapporter. Un homme disait un jour, à contre-temps, des choses qui ne manquaient pas de bon sens. « Mon ami, lui dit le roi Léonidas, tu tiens, hors de propos, de fort bons propos. » On demandait à Charilaüs, neveu de Lycurgue, pourquoi Lycurgue avait fait si peu de lois. « C’est, répondit-il, qu’il faut peu de lois à des gens qui parlent peu. » On blâmait le sophiste Hécatée[1], qui avait été admis à un repas commun, de n’y pas prononcer un mot. « Celui qui sait parler, dit Archidamidas, sait aussi à quel instant il faut parler. » Voici des exemples de ces reparties piquantes où la grâce, comme je l’ai dit

  1. Plusieurs écrivains grecs ont porté ce nom ; mais on ne sait pas quel est celui que Plutarque veut designer par le surnom de sophiste.