Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Méziriac entreprit, vers le milieu du dix-septième siècle, une traduction des Vies de Plutarque. Mais il mourut presque au début de son travail, dont on ne connaît que ce qu’en a publié Dacier ; et c’est assez peu de chose. L’abbé François Tallemant, son contemporain, fut plus heureux, ou, si l’on veut, plus malheureux : il traduisit toutes les Vies ; et l’ouvrage fut imprimé. Mais le public y jeta à peine les yeux ; et Tallemant ne gagna guère, à cette tentative, que l’honneur de figurer, en compagnie des noms les plus honnis de la littérature du temps, dans les vers les plus méprisants qu’ait inspirés à Boileau sa juste indignation contre les détracteurs de Racine.

Et qu’importe à nos vers que Perrin les admire.
Que l’auteur du Jonas s’empresse pour les lire,
Qu’ils charment de Senlis le poëte idiot,
Ou le sec traducteur du français d’Amyot ?

Je n’ai point essayé de vérifier s’il n’y avait pas quelque exagération dans cette critique, et si François Tallemant ne serait pas une de ces infortunées victimes littéraires, sur lesquelles on aime à s’apitoyer de nos jours, par une sorte de sympathie fraternelle. En fait de grec et en fait de langue française, Boileau s’y connaissait ; et je crois fort peu aux injustices de Boileau. Je tiens donc, avec le public, Tallemant et son Plutarque dignes de la réputation que Boileau leur a faite.

Dacier était un autre homme que l’abbé Tallemant. C’était la mode, il y a soixante ans plus ou moins, de se moquer de Dacier et de ses travaux ; et La Harpe lui-même n’a pas manqué de lui décocher, en passant, quelques-uns des traits de cette bienveillance qu’il portait aux érudits et à toute espèce d’érudition. Notre savoir, dont nous sommes si vains, n’est guère moins irrévérent, à l’égard de Dacier, que la légèreté prétendue philosophique des singes de Voltaire. Nous admirons, dans une béate extase, les plus indigestes élucubrations des compilateurs d’outre-Rhin, sans daigner seulement honorer d’un coup d’œil les trésors qui gisent, chez nous, dans la poussière et dans l’oubli. Nous ornons à grands frais nos bibliothèques du