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sagesse. Le gouvernement avait flotté, jusqu’alors, dans une agitation continuelle, poussé tantôt, par les rois, vers la tyrannie, et tantôt, par le peuple, vers la démocratie. Le sénat, entre ces deux forces opposées, fut comme un contre-poids qui les tint en équilibre, et qui assura pour longtemps l’ordre et la stabilité des choses. Les vingt-huit sénateurs se rangeaient toujours du côté des rois, quand il fallait arrêter les progrès de la démocratie, comme aussi ils fortifiaient le parti du peuple, pour réprimer la tyrannie au besoin. Lycurgue fixa, suivant Aristote, le nombre des sénateurs à vingt-huit, parce que, des trente citoyens qu’il s’était d’abord associés, il y en eut deux qui perdirent courage, et qui abandonnèrent l’entreprise ; mais Sphérus[1] assure que, dès le commencement, Lycurgue n’avait pris que vingt-huit conseillers. Peut-être, en cela, eut-il égard à la propriété de ce nombre, formé par la multiplication de sept par quatre, et qui est, après six, le premier nombre parfait, parce qu’il est égal à ses parties[2]. Pour moi, je croirais qu’il désigna vingt-huit sénateurs, afin qu’en ajoutant les deux rois, le conseil fût composé de trente personnes en tout.

Cette institution avait, aux yeux de Lycurgue, une telle importance, qu’il alla chercher à Delphes, uniquement pour ce corps, un oracle appelé rhètre[3], lequel était conçu en ces termes : « Quand tu auras bâti un temple à Jupiter hellanien et à Minerve hellanienne ; que tu auras divisé le peuple par tribus et par portions de tribus, et établi un sénat de trente membres, en y comprenant les deux rois, tu tiendras le conseil, suivant le besoin des circonstances, entre le Babyce et le Cnacion : là, les sénateurs proposeront les lois, et le

  1. Disciple de Cléanthe, et qui avait écrit plusieurs ouvrages, notamment un traité intitulé République de Sparte.
  2. Ceci est du pythagorisme pur, et, par conséquent, n’a pu entrer dans les motifs de Lycurgue.
  3. Ce mot signifie édit verbal et aussi oracle.