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fameux, où la Pythie l’appelait l’ami des dieux, et un dieu plutôt qu’un homme. Elle avait ajouté qu’Apollon lui accordait sa demande ; qu’il lui serait donné de faire de bonnes lois, et qui l’emporteraient infiniment sur les institutions des autres peuples. Encouragé par ces promesses, Lycurgue s’ouvrit de son dessein aux premiers de la ville, et il les pressa de le seconder. Il s’était d’abord adressé secrètement à ses amis ; puis, il avait fini peu à peu par gagner un grand nombre d’autres citoyens, et par les rallier à son dessein.

Quand le moment favorable fut arrivé, il ordonna à trente des plus considérables de se rendre en armes sur la place publique, afin d’imposer par la crainte à ses adversaires, dont Hermippus énumère les vingt plus fameux. Entre les amis de Lycurgue, un surtout prit grande part à l’entreprise, et contribua à l’établissement des lois : il se nommait Arthmiadas. Au commencement de l’émeute, Charilaüs, craignant qu’on en voulût à sa personne, s’enfuit dans le temple Chalciœcos[1] ; ensuite, instruit des vrais desseins de Lycurgue, et rassuré, d’ailleurs, par les serments qu’on lui fit, il sortit du temple, et il donna son approbation à tout ce qui se faisait, car il était d’un naturel pacifique. C’est cette douceur de caractère qui fît dire un jour à Archélaüs, son collègue dans la royauté, devant qui on louait la bonté de ce jeune homme : « Comment Charilaüs ne serait-il pas bon, lui qui n’est pas rude aux méchants mêmes ? »

De tous les nouveaux établissements de Lycurgue, le premier et le plus important fut celui du sénat. Le sénat, comme dit Platon[2], vint se mêler à la puissance royale, pour en tempérer la fougue, et, armé d’un pouvoir égal à celui des rois, fournir à l’État, dans les grandes occasions, un moyen de salut, et les leçons de la

  1. Ce mot, qui signifie maison d’airain ou de bronze, désignait un temple consacré à Minerve, et entièrement revêtu de plaques de bronze.
  2. Dans le troisième livre des Lois.