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gratification de deux mille talents. En poursuivant Bessus, il fit à cheval, en onze jours, trois mille trois cents stades. Cette marche forcée et surtout la disette d’eau accablèrent de fatigue la plupart de ceux qui le suivaient. Un jour il rencontra des Macédoniens qui portaient de l’eau dans des outres sur des mulets, et qui, le voyant, à l’heure de midi, cruellement tourmenté par la soif, remplirent d’eau un casque et la lui apportèrent. Alexandre leur demanda à qui ils portaient cette eau : « A nos enfants, répondirent-ils ; mais si nous perdons ceux-ci, nous en aurons assez d’autres tant que vous serez en vie. » Il prit le casque de leurs mains ; et, regardant autour de lui tous ses cavaliers, qui, la tête penchée, avaient les yeux fixés sur cette boisson, il la rendit à ceux qui l’avaient apportée, sans en boire une goutte, et les remercia de leur zèle : « Si j’en buvais seul, ajouta-t-il, ces gens-ci perdraient courage. » Les cavaliers, admirant sa tempérance et sa grandeur d’âme, lui crièrent de les mener partout où il voudrait et piquèrent leurs chevaux, en disant qu’ils n’avaient plus ni lassitude, ni soif, et qu’ils ne se croiraient