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quatre mois. La première fois qu’il s’assit sur le trône des rois de Perse, sous un dais d’or, Démarate de Corinthe, qui avait été l’intime ami de Philippe, et qui aimait tendrement Alexandre, se mit à pleurer comme un bon vieillard et donna des regrets à ceux des Grecs qui, ayant péri dans les combats, avaient été privés du plus grand plaisir dont ils eussent pu jouir, celui de voir Alexandre assis sur le trône de Darius.

LII. Ce prince, avant de marcher contre Darius, qu’il se disposait à poursuivre, donna à ses courtisans un grand festin, dans lequel il s’abandonna tellement à la débauche, que les femmes mêmes y vinrent boire et se réjouir avec leurs amants. La plus célèbre de ces femmes était la courtisane Thaïs, née dans l’Attique et alors maîtresse de Ptolémée, celui qui fut depuis roi d’Égypte. Après avoir loué finement Alexandre et s’être permis même quelques plaisanteries, elle s’avança dans la chaleur du vin, jusqu’à lui tenir un discours assez conforme à l’esprit de sa patrie, mais bien au-dessus de son état. « Je suis, lui dit-elle, bien payée des peines que j’ai souffertes en errant par toute l’Asie, lorsque j’ai la satisfaction d’insulter aujourd’hui à l’orgueil des rois de Perse ; mais ma joie serait bien plus grande, si je pouvais,