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impossible non plus que les meilleurs naturels, les âmes les plus fermes, quand elles sont accablées par de grands malheurs qu’elles n’ont pas mérités, changent de mours en changeant de fortune. Et c’est, je crois, ce qu’éprouva Sertorius, quand la fortune l’eut abandonné : aigri par ses revers, il fut cruel envers des traîtres.

XII. Appelé alors par les Lusitaniens, il partit d’Afrique ; investi, à son arrivée, de toute l’autorité de général, il mit une armée sur pied, et eut bientôt soumis la partie de l’Espagne la plus voisine de la Lusitanie. Ces peuples, charmés surtout de sa douceur et de son activité, se rendaient à lui volontairement ; il est vrai aussi qu’il mit en usage l’artifice et la ruse pour les tromper et les attirer dans son parti. Une biche fut le principal ressort qu’il fit jouer pour cela. Un homme du pays, nommé Spanus, qui vivait à la campagne, rencontra un jour une biche qui venait de mettre bas, et qui était poursuivie par des chasseurs. Il la laissa fuir en liberté ; mais, frappé de la couleur extraordinaire du faon, dont la robe était toute blanche, il se mit à le poursuivre et le saisit. Sertorius était, par hasard, campé dans les environs. Comme on lui voyait recevoir avec plaisir tous les présents de gibier ou de fruit qu’on lui présentait, et récompenser généreusement ceux