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et prouva, par son exemple, que la vertu guerrière a besoin, pour se signaler, de la force et de la vigueur du corps. Au contraire, Sylla y fit les exploits les plus mémorables, et s’acquit auprès de ses concitoyens la réputation d’un grand capitaine ; il passa, dans l’opinion de ses amis, pour le plus grand homme de guerre de son temps, et chez ses ennemis, pour le général le plus heureux. Mais il ne fit pas comme Timothée, fils de Conon, qui, s’offensant de ce que ses ennemis attribuaient à la Fortune tous ses succès, et avaient représenté cette déesse qui, pendant qu’il dormait, prenait pour lui les villes dans un filet, s’emporta contre les auteurs de ce tableau, qui, disait-il, lui enlevaient toute la gloire de ses exploits. Un jour qu’il revenait d’une expédition qui avait été heureuse, après en avoir rendu compte au peuple : « Athéniens, leur dit-il, la Fortune n’a aucune part à cela. » Aussi dit-on que la Fortune, pour punir cette ambition excessive, fit éprouver son caprice à Timothée, qui depuis ne fit rien d’éclatant ; que, n’ayant pu même réussir dans aucune entreprise, il devint odieux au peuple et fut banni d’Athènes. Sylla, loin de trouver mauvais qu’on vantât son bonheur et les faveurs dont le comblait la Fortune, rapportait lui-même toutes ses belles