Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 7.djvu/103

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pendant qu'ils portent leurs regards dans l'avenir le présent leur échappe. Mais la fortune, qui peut leur ôter l'avenir, ne saurait leur enlever le présent. Cependant ils rejettent les biens qu'ils ont déjà reçus d'elle, comme s'ils leur étaient étrangers ; et ils rêvent sans cesse à un avenir incertain : juste punition de leur ingratitude. Trop pressés d'amasser le plus qu'ils peuvent de ces biens extérieurs, avant que de leur avoir donné pour fondement et pour appui la raison et la saine doctrine, ils ne sauraient jamais satisfaire la soif insatiable qui les tourmente.

52. Marius mourut le dix-septième jour de son consulat, et sa mort causa d'abord à Rome la plus grande joie, par la confiance qu'elle eut d'être délivrée d'une tyrannie si cruelle. Mais en peu de jours les Romains sentirent qu'ils n'avaient fait que changer un maître vieux et cassé, pour un maître jeune et plein de vigueur : tant le fils de Marius montra de cruauté et de barbarie, en faisant mourir les personnes les plus distinguées par leur naissance et par leurs vertus ! L'audace et l'intrépidité dans les dangers, dont il avait d'abord donné des preuves, l'avaient fait appeler le fils de Mars ; mais ensuite ses actions ayant montré en lui des qualités tout opposées, on l'appela le fils de Vénus. Enfin,