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haine contre Carthage, c’est que depuis ce jour-là, sur quelque affaire qu’il opinât, il ne manquait jamais de conclure par ces mots : « Et je suis d’avis qu’on détruise Carthage. » Au contraire, Publius Scipion, surnommé Nasica, terminait ainsi toutes ses opinions : « Et je suis d’avis qu’on laisse subsister Carthage. » Il y a toute apparence que Scipion voyant le peuple livré à la licence, enflé d’orgueil pour ses prospérités, et, peu docile aux conseils du sénat, entraîner par sa puissance toute la ville dans les divers partis où le poussait son caprice ; que Scipion, dis-je, voulait que la crainte qu’inspirerait Carthage fût pour les Romains comme un frein qui gourmandât leur audace ; qu’il jugeait les Carthaginois trop faibles pour assujettir les Romains, mais trop forts pour être méprisés. Caton, de son côté, croyait trop dangereux, pour un peuple, que sa grande puissance portait aux plus grands excès, d’avoir comme suspendue sur sa tête une ville de tous temps très puissante, et alors devenue plus sage par les malheurs dont elle avait été châtiée ; qu’il fallait donc ôter à Rome toute crainte extérieure, quand elle avait au-dedans tant d’occasions de commettre de nouvelles fautes.

XLII. Ce fut ainsi que Caton suscita cette troisième et dernière guerre punique. Elle com-

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