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CATON.

cius Scipion, il le fit condamner à une si forte amende envers le public, que Lucius, hors d’état de la payer, se vit en danger d’être jeté dans une prison et ne se sauva qu’avec peine, par un appel aux tribuns. Un jeune homme, qui avait fait condamner un ennemi de son père mort depuis peu, traversait après le jugement, la place publique. Caton, l’ayant rencontré, lui dit en l’embrassant : « Voilà les sacrifices funéraires qu’il convient d’offrir aux mânes d’un père : ce n’est pas le sang des agneaux et des chevreaux qu’il faut faire couler pour eux, mais les larmes de leurs ennemis condamnés. » Au reste, il ne fut pas lui-même, dans le cours de son administration, à l’abri de ces accusations : dès qu’il donnait la moindre prise à ses ennemis, il était traduit en justice, et il passa presque toute sa vie dans ces sortes de dangers ; car il fut accusé près de cinquante fois ; et, à la dernière, il avait quatre-vingt-six ans. Ce fut dans cette occasion qu’il dit ce mot souvent cité depuis ; « II est fâcheux d’avoir à rendre compte de sa vie à des hommes d’un autre siècle que celui où l’on a vécu. » Ce ne fut pas même là le terme de ses combats : quatre ans après, il accusa Sergius Galba, étant alors âgé de quatre-vingt-dix ans. Ainsi il vécut, comme Nestor, trois géné-