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CATON.

à sa patrie un corps qui n’est que ventre ? » Un homme voluptueux voulait se lier avec lui ; Caton s’y refusa. « Je ne saurais, lui dit-il, vivre avec un homme qui a le palais plus sensible que le cœur. »

XIV. Il disait que l’âme d’un homme amoureux vivait dans un corps étranger ; et que dans toute sa vie il ne s’était repenti que de trois choses : la première, d’avoir confié son secret à une femme ; la seconde, d’être allé par eau où il eût pu aller par terre ; la troisième, d’avoir passé un jour entier sans rien faire. « Mon ami, dit-il un jour à un vieillard de mauvaises mœurs, la vieillesse a assez d’autres difformités sans y ajouter celle du vice. » Un tribun du peuple, soupçonné d’avoir donné du poison à quelqu’un, proposait une mauvaise loi, qu’il s’efforçait de faire passer. « Jeune homme, lui dit Caton, je ne sais lequel est le plus dangereux, ou de boire ce que tu prépares, ou de ratifier ce que tu écris. » Injurié par un homme qui menait une vie très licencieuse : « Le combat, lui dit-il, est inégal entre vous, et moi ; vous écoutez volontiers les sottises, et vous en dites avec plaisir : moi, je les entends avec peine, et je n’ai pas l’habitude d’en dire. » Voilà le genre de réponses ; elles font, juger de son caractère.