Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 5.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
CATON.

disputes. Il était comme Socrate, de qui Platon disait qu’au-dehors il paraissait, à ceux qui traitaient avec lui, grossier, satirique et outrageux ; mais qu’au-dedans il était rempli de raison et de gravité ; que les discours qui en sortaient remuaient puissamment les âmes et arrachaient les larmes à ceux qui l’écoutaient. Je ne sais donc pas sur quel fondement on a dit que le style de Caton ressemblait à celui de Lysias. Au reste, j’en laisse le jugement à ceux qui sont plus capables que moi de distinguer les différents styles des orateurs romains. Pour moi, qui pense que les discours des hommes font mieux connaître leur caractère et leurs mœurs que les traits de leur visage, où on les cherche ordinairement, je vais rapporter quelques unes de ses paroles les plus mémorables.

XI. Un jour le peuple romain demandait instamment et hors de propos qu’on lui fît une distribution de blé. Caton, qui voulait l’en détourner, commença ainsi son discours : « Citoyens il est difficile de parler à un ventre qui n’a point d’oreilles. » Une autre fois il blâmait la dépense prodigieuse que les Romains faisaient pour leur table, et disait qu’il n’était pas facile de sauver une ville où un poisson se vendait plus cher qu’un bœuf. Il comparait les Romains aux moutons, qui, chacun en parti-