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prenant avec lui les prêtres, les initiés et ceux qui les initient, et les couvrant de ses troupes en armes, il les conduisit en bon ordre et dans un grand silence. C’était le spectacle le plus auguste et le plus digne des dieux que cette expédition religieuse, qui fit dire à tous ceux qui ne portaient pas envie à Alcibiade qu’il remplissait, dans cette occasion, le ministère de grand-prêtre autant que celui de général. Aucun des ennemis n’osa remuer, et il ramena toute la procession en sûreté dans la ville. Ce succès lui enfla le courage, et donna tant de confiance à ses troupes, qu’elles se crurent invincibles tant qu’elles l’auraient pour chef. Alcibiade gagna tellement par cette conduite l’affection des pauvres et des dernières classes du peuple, qu’ils coururent le plus violent désir de l’avoir pour roi, et que quelques uns même allèrent jusqu’à lui dire qu’il devait se mettre au-dessus de l’envie, abolir les décrets et les lois, écarter tous les hommes frivoles qui troublaient l’état par leur babil, et disposer de tout à son gré, sans s’embarrasser des calomniateurs. On ne sait pas quelles pensées il avait sur la tyrannie ; mais, les plus puissants d’entre les citoyens, craignant les suites de cette faveur populaire, pressèrent extrêmement son