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et se justifier devant le peuple. On craignait une sédition parmi les troupes dans une terre ennemie ; et il eût été facile à Alcibiade de l’exciter s’il l’avait voulu : car les soldats étaient déjà découragés de son départ ; ils s’attendaient que sous Nicias la guerre allait traîner en longueur et devenir interminable, lorsqu’il n’aurait plus auprès de lui Alcibiade, qui était comme l’aiguillon de toutes les affaires. Pour Lamachus, quoique vaillant et très propre à la guerre, il n’avait, à cause de sa pauvreté, ni dignité ni considération. Alcibiade s’embarqua sans différer, et son départ fit perdre aux Athéniens la ville de Messine qu’on devait leur livrer. Alcibiade, connaissant très bien tous ceux qui étaient du complot, les dénonça aux Syracusains, et rompit ainsi leur trame. Lorsqu’il fut arrivé à Thurium, et qu’il y eut débarqué, il se cacha, et trompa les recherches de ses ennemis. Quelqu’un, l’ayant reconnu, lui dit : « Eh ! quoi, Alcibiade, vous ne vous fiez pas à votre patrie ? — Oui, pour tout le reste, répondit-il ; mais quand il s’agit de ma vie, je ne m’en fierais pas à ma propre mère, de peur que par mégarde elle ne mît une fève noire pour une blanche. » Lorsque ensuite on lui apprit qu’Athènes l’avait condamné à mort : « Je leur ferai voir, dit-il, que