Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 3.djvu/329

Cette page n’a pas encore été corrigée

naturel de ce jeune Athénien. Il en voyait briller les traits dans sa grande beauté ; et craignant pour lui ses richesses, sa naissance, cette foule de citoyens, d’étrangers et d’alliés qui cherchaient à se l’attacher par leurs flatteries et leurs complaisances, il se crut appelé à le garantir de tant d’écueils, à empêcher par ses soins que cette plante ne laissât corrompre dans sa fleur le fruit qu’elle faisait espérer. Car Alcibiade était de tous les hommes celui que la fortune avait le plus environné et muni de ce qu’on appelle ses faveurs, pour le rendre impénétrable aux traits de la philosophie, et inaccessible aux aiguillons piquants de ses remontrances. Assiégé et amolli dès sa jeunesse par ceux qui ne cherchaient qu’à lui complaire pour l’éloigner du seul homme qui pût l’instruire et le corriger, il sut néanmoins par la bonté de son naturel reconnaître le mérite de Socrate ; il l’attira auprès de sa personne, et en écarta tous les hommes riches et puissants qui lui faisaient la cour. Il eut bientôt formé avec ce philosophe une liaison intime, et il écouta avec plaisir les discours d’un ami dont l’attachement n’avait pas pour objet une volupté honteuse et de lâches plaisirs ; mais qui voulait, en lui faisant connaître les imperfections de son âme, réprimer son orgueil et sa présomption.