Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 15.djvu/488

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de haut sur la pointe, et ne donna d'autre signe de douleur qu'un soupir qui fit connaître à ceux du dehors qu'il venait d'expirer. Ses domestiques jetèrent un grand cri, qui fut suivi des gémissements du camp et de la ville. Les soldats accoururent au tumulte à sa porte ; ils firent retentir la maison de leurs lamentations et de leurs regrets, en se reprochant leur lâcheté de n'avoir pas veillé sur leur empereur, pour l'empêcher de se sacrifier pour eux. Quoique l'ennemi fût déjà proche d'eux, ils restèrent auprès du corps ; et après l'avoir enseveli honorablement, ils dressèrent un bûcher, ils accompagnèrent son convoi en armes, et se disputèrent l'honneur de porter son lit funèbre. Les uns se jetaient sur lui et baisaient sa plaie ; les autres lui prenaient les mains : ceux qui ne pouvaient l'approcher se prosternaient à son passage et l'adoraient de loin. Il y en eut qui, après avoir jeté leurs flambeaux sur le bûcher, se tuèrent eux-mêmes. Ce n'était pas qu'ils eussent reçu de lui aucun bienfait, au moins connu, ni qu'ils craignissent les maux que les vainqueurs pouvaient leur faire ; mais il paraît que jamais aucun roi ni aucun tyran n'eurent une passion si forte de régner, que ces soldats d'être commandés par Othon et de lui obéir. Ce désir ne les quitta point même après sa mort,