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par la confiance qu'on avait dans la pureté de ses vues. On n'espérait pas que le grand Pompée lui-même, s'il eût vaincu César, eût soumis sa puissance aux lois ; on croyait au contraire qu'il serait toujours resté maître de la république, sous le nom de consul, de dictateur, ou de quelque autre magistrature plus douce, pour consoler le peuple de la perte de sa liberté. Pour Cassius, dont on connaissait l'emportement et la colère, que l'intérêt entraînait souvent hors des voies de la justice, on était persuadé que s'il faisait la guerre, s'il courait de pays en pays, s'il s'exposait à tous les dangers, c'était bien moins pour rendre la liberté à ses concitoyens, que pour s'assurer à lui-même une grande autorité.

Dans des temps antérieurs à celui dont nous parlons, les Cinna, les Marius, les Carbon, qui regardaient leur patrie comme le prix ou plutôt comme la proie du vainqueur, avouaient franchement qu'ils n'avaient combattu que pour la réduire en servitude : mais Brutus n'entendit jamais ses ennemis mêmes lui reprocher ses vues tyranniques ; et Antoine dit un jour, devant plusieurs témoins, que Brutus était le seul qui en conspirant contre César n'eût été conduit que par la grandeur et la beauté de l'entreprise ; mais que tous les autres y avaient