Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 11.djvu/15

Cette page n’a pas encore été corrigée

passa toute la nuit et le jour suivant à fondre en larmes ; et, quand il n’eut plus la force de crier, ni de se lamenter, il resta étendu par terre, sans proférer une parole, ne poussant que de profonds soupirs. Ses amis, craignant les suites de ce silence obstiné, forcèrent la porte et entrèrent dans sa chambre. Il ne fit aucune attention à ce qu’ils lui dirent. Le devin Aristandre, lui ayant rappelé le signe et la vision qu’il avait eu au sujet de Clitus, lui dit que tous les événements étaient réglés par les destins ; ce qui parut un peu le soulager. Les courtisans firent entrer Callisthène, parent d’Aristote, et Anaxarque de la ville d’Abdère. Callisthène essaya doucement de le calmer en le ramenant aux principes de la morale, et prit des détours pour s’insinuer dans son esprit, sans aigrir sa douleur. Anaxarque, qui, dès son entrée dans la philosophie, s’était ouvert une route nouvelle et qui passait pour traiter avec beaucoup de dédain et de fierté tous les autres philosophes, fut à peine entré dans la chambre du roi, que prenant un ton très haut : « Le voilà donc, dit-il, cet Alexandre, sur qui toute la terre a les yeux ouverts. Le voilà étendu à terre comme un esclave, fondant en larmes, craignant les lois et la censure des hommes, lui qui doit être la loi même, et la règle de toute