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l’Épire, pour voir s’ils apercevraient les vaisseaux qui devaient revenir les chercher.

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Cependant César se trouvait à Apollonie avec une armée trop faible pour rien entreprendre, parce que les troupes de Brunduse tardaient à arriver. Livré à une incertitude affligeante, il prit enfin la résolution hasardeuse de s’embarquer seul, à l’insu de tout le monde, sur un simple bateau à douze rames, pour se rendre le plus promptement à Brunduse, quoique la mer fût couverte de vaisseaux ennemis. À l’entrée de la nuit, il se déguise en esclave, monte dans le bateau, se jette dans un coin, comme le dernier des passagers, et s’y tient sans rien dire. La barque descendait le fleuve Anius, qui la portait vers la mer. L’embouchure de ce fleuve était ordinairement tranquille ; un vent de terre qui se levait tous les matins repoussait les vagues de la mer et les empêchait d’entrer dans la rivière ; mais cette nuit-là il s’éleva tout à coup un vent de mer si violent, qu’il fit tomber le vent de terre. Le fleuve, soulevé par la marée et par la résistance des vagues, qui, poussées avec furie, luttaient contre son courant, devint d’une navigation dangereuse ; ses eaux, repoussées violemment vers leur source par les tourbillons rapides que cette lutte causait, et qui étaient accompagnés d’un affreux