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des convives, indignés d’une pareille insulte, blâmaient également le poète et le musicien ; mais Alexandre et ses favoris, qui prenaient plaisir à les entendre, ordonnèrent au musicien de continuer. Clitus, naturellement âpre et fier, et déjà plein de vin, s’emportant plus que les autres, s’écria que c’était une indignité d’outrager ainsi, en présence de Barbares, et de Barbares ennemis, des capitaines macédoniens qui, à la vérité, avaient été malheureux, mais qui valaient beaucoup mieux que ceux qui les insultaient. Alexandre lui ayant dit qu’il plaidait sa propre cause, en appelant malheur ce qui n’était que lâcheté, Clitus se leva brusquement : « C’est pourtant, répliqua-t-il, cette lâcheté qui vous a sauvé la vie, lorsque, tout fils des dieux que vous êtes, vous tourniez déjà le dos à l’épée de Spithridate. C’est le sang des Macédoniens, ce sont leurs blessures qui vous ont fait si grand, que, répudiant Philippe pour père, vous prétendez être fils de Jupiter Ammon. » Alexandre vivement piqué de ce reproche : « Scélérat, s’écria-t-il, espères-tu avoir longtemps sujet de te réjouir des propos que tu tiens tous les jours contre moi, pour exciter les Macédoniens à la révolte ? — En effet, Alexandre, repartit Clitus, n’avons-nous pas bien à nous réjouir