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si agréable au peuple et parut si utile, que, depuis ce temps-là, tous les grands hommes sont, après leur mort, publiquement loués dans Rome par les plus honnêtes citoyens. On dit que cette oraison funèbre est plus ancienne que toutes celles qui ont été faites en Grèce, si toutefois l’usage n’en a pas été introduit dans ce pays par Solon, comme le dit le rhéteur Anaximène.

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Mais bientôt la conduite de Valérius commença à déplaire et à devenir suspecte. Brutus, qu’on regardait comme le père de la liberté, n’avait pas voulu gouverner seul, et s’était donné deux fois un collègue. Au contraire, Valérius s’attribuait à lui seul toute l’autorité. « Il n’est pas, disait-on, l’héritier du consulat de Brutus, dont il fait trop peu de cas, mais de la tyrannie de Tarquin. Qu’avons-nous besoin qu’il loue Brutus de paroles, si de fait il imite le tyran, en marchant seul entouré de tous les faisceaux et de toutes les haches, quand il sort de sa maison, qui est plus grande et plus belle que le palais du roi qu’il a lui-même démoli ? » Il est vrai qu’il habitait une maison beaucoup trop magnifique : située sur la croupe du mont Vélia, elle dominait tellement la place publique, qu’on voyait de là tout ce qui s’y passait ; elle était d’ailleurs d’un accès très difficile. Lorsqu’il en descendait avec son cortège,