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char de leur mère, qui était ravie de joie, et que tout le monde félicitait d’avoir de tels enfants. Après le sacrifice et le banquet, ils allèrent se coucher ; mais le lendemain ils ne se relevèrent pas, et ils eurent le bonheur de couronner une si grande gloire par une mort douce et tranquille28.

- Eh quoi ! reprit Crésus courroucé, vous ne me comptez donc pas au nombre des hommes heureux ? » Solon, qui ne voulait ni le flatter, ni l’irriter davantage, lui répondit : « Ô roi des Lydiens, nous autres Grecs, nous avons reçu de la divinité la médiocrité en partage ; mais elle nous a donné surtout une sagesse ferme, simple, et, pour ainsi dire, populaire. Elle n’a rien de cet éclat qui convient aux rois ; elle est la suite naturelle de cette médiocrité ; et en nous faisant voir la vie humaine agitée par des vicissitudes continuelles, elle ne nous permet ni de nous enorgueillir des biens que nous possédons nous-mêmes, ni d’admirer dans les autres une félicité que le temps peut détruire. L’avenir amène pour chacun de nous des événements imprévus. Celui donc à qui les dieux ont accordé jusqu’à la fin de la vie une prospérité constante est le seul que nous estimions heureux. Mais l’homme dont la carrière n’est pas achevée, et qui dès lors reste exposé à tous les périls de la vie, son bonheur