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appareil de vanité comme la preuve d’un esprit faible ; Crésus commanda de lui montrer ses trésors, d’étaler à ses yeux toute la richesse et la magnificence de ses meubles ; mais Solon n’en avait pas besoin pour juger Crésus ; il lui suffisait de le voir. Après qu’il eut tout visité, et qu’on l’eut reconduit auprès de Crésus, ce prince lui demanda s’il avait connu quelqu’un plus heureux que lui. « Oui, lui répondit Solon : c’était un simple citoyen d’Athènes, nommé Tellos, qui, ayant vécu en homme de bien, laissa des enfants généralement estimés, et, après avoir été toute sa vie au-dessus du besoin, mourut avec gloire en combattant pour sa patrie. » Déjà Crésus le prenait pour un homme grossier et stupide, qui, au lieu de mesurer le bonheur sur la quantité d’or et d’argent qu’on avait, préférait la vie et la mort d’un simple particulier à une si grande puissance et à un empire si étendu. Cependant il lui demanda encore si, après ce Tellos, il avait vu un autre homme plus heureux que lui. « J’ai connu encore, répliqua Solon, Biton et Cléobis, deux frères qui s’aimaient tendrement, et qui avaient pour leur mère une si grande vénération, qu’un jour de fête, où elle devait aller au temple d’Héra, comme ses bœufs tardaient à venir, ils se mirent eux-mêmes au joug, et traînèrent le