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SOLON.


conçu les plus grandes espérances, leurs chefs sollicitaient Solon de se faire roi, et de prendre le gouvernement d’une ville où il avait déjà tout le pouvoir. La plupart même de ceux qui tenaient le milieu entre les deux partis n’espérant pas de la raison et des lois un changement favorable, n’étaient pas éloignés de remettre toute l’autorité entre les mains de l’homme le plus juste et le plus sage. On dit même qu’il reçut de Delphes l’oracle suivant :

À la poupe placé, le gouvernail en main,
De ce vaisseau flottant assure le destin,
Tous les Athéniens te seront favorables.

XVIII. Ses amis surtout lui reprochaient de n’oser s’élever à la monarchie, parce qu’il en craignait le nom ; comme si la vertu de celui qui s’était emparé de la tyrannie n’en faisait pas une royauté légitime. N’en a-t-on pas vu, lui disaient-ils, un exemple en Eubée, dans la personne de Tinnondas ? et ne le voyons-nous pas encore aujourd’hui à Mitylène, où l’on a investi Pittacus du pouvoir suprême(13) ? Mais Solon ne put être ébranlé par toutes ces raisons ; il répondit à ses amis que la tyrannie était un beau pays, mais qu’il n’avait point d’issue. Dans ces poésies il dit sur ce sujet à Phocus :

Si je n’ai point voulu, tyran de ma patrie,
En usurpant ses droits voir ma gloire flétrie,
Je ne m’en repens point : par ce noble refus
J’ai de tous les mortels surpassé les vertus.