Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 1.djvu/418

Cette page n’a pas encore été corrigée
166
SOLON.


tenus par la crainte de la loi, imagina de contrefaire le fou, et fit répandre dans la ville, par les gens même de sa maison, qu’il avait perdu l’esprit. Cependant il composa en secret une élégie qu’il apprit par cœur ; et un jour étant sorti brusquement de chez lui, avec un chapeau sur la tête (7), il courut à la place publique. Là, le peuple s’étant assemblé autour de lui, il monta sur la pierre d’où les hérauts faisaient leurs proclamations, et chanta cette élégie qui commençait par ces mots :

Je viens de Salamine ; et je vais vous chanter
Les beaux vers qu’Apollon a daigné me dicter.


Ce poème est appelé Salamine, et contient cent vers qui sont d’une grande beauté. Il n’eut pas plus tôt fini de les chanter, que ses amis en firent l’éloge. Pisistrate, de son côté, encouragea si bien les Athéniens à en croire Solon, que le décret fut révoqué, la guerre déclarée, et Solon nommé général.

X. L’opinion la plus commune sur cette expédition, c’est qu’il s’embarqua avec Pisistrate ; qu’il fit voile vers le promontoire de Coliade(*), où il trouva toutes les femmes athéniennes rassemblées pour faire à Cérès un sacrifice solennel. Il envoie sur-le-champ à Salamine un homme de confiance qui, se donnant pour un

(*) Dans l’Attique, près de Phalère.