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VIE

est pas émue par le spectacle imposant de victoires et de triomphes, par le récit pompeux d’exploits et de conquêtes : mais aussi le cœur n’y est pas affligé par le tableau de ces désastres affreux, de ces révolutions funestes qui marquent tous les pas des conquérans, et laissent sur la terre, pour des siècles entiers, les traces sanglantes de leur passage. Semblable à un fleuve paisible dont le cours égal et uniforme fertilise tous les lieux qu’il arrose, leur vie coule sans bruit et sans éclat au milieu de leurs contemporains qui les négligent. Ce n’est souvent qu’après leur mort que la renommée, en publiant leurs travaux, appelle à leur tombeau la postérité, qui acquitte sa propre dette et celle du siècle qui l’a précédée. Livré tout entier au soin précieux d’éclairer ses semblables, moins occupé du désir de la gloire que du besoin d’être utile, le véritable homme de lettres ne songe, en cultivant sa raison, qu’à faire partager aux autres les fruits de son étude, qu’à leur tracer des règles de conduite qui soient pour eux comme ces signaux qu’on élève dans les chemins difficiles pour indiquer au voyageur la route qu’il doit suivre.

II. Il est peu d’écrivains de l’antiquité qui aient rempli cette destination glorieuse avec autant de constance et de succès que le philo-