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POUR bien traitter de la nourriture des enfans de bonne maison, et de libre condition, comment, et par quelle discipline on les pourroit rendre honnestes et bien conditionnez, à l'adventure vaudra-il mieulx commancer un peu plus hault, à la generation d'iceux. En premier lieu doncques, je conseillerois à ceux qui desirent estre peres d'enfans qui puissent un jour vivre parmy les hommes en honneur, de ne se mesler pas avec femmes les premieres venuës, j'entens comme avec courtisanes publiques, ou concubines privees : pour ce que c'est un reproche qui accompagne l'homme tout le long de sa vie, sans que jamais il le puisse effacer, quand on luy peut mettre devant le nez, qu'il n'est pas issu de bon pere et de bonne mere, et est la marque qui plustost se presente à la langue et à la main de ceux qui le veulent accuser ou injurier : au moyen dequoy a bien dit sagement le poëte Euripide,

  Quand une fois mal assis a esté
  Le fondement de la nativité,
  Force est que ceux qui de tels parents sortent,
  D'autruy peché la penitence portent.

Parquoy c'est un beau thresor pour pouvoir aller par tout la teste levee, et parler franchement, que d'estre né de gens de bien : et en doivent bien faire grand compte ceux qui souhaittent avoir lignee entierement legitime, où il n'y ait que redire. Car c'est chose qui ordinairement ravalle et abaisse le cœur aux hommes, quand ils sentent quelque defectuosité, ou quelque tare en ceux dont ils ont prins naissance : et dit fort bien le poëte,

  Qui sent son pere ou sa mere coulpable
  D'aucune chose à l'homme reprochable,
  Cela de cœur bas et petit le rend,
  Combien qu'il l'eust de sa nature grand.

Comme au contraire, ceux qui se sentent nez de pere et de mere qui sont gens de bien, et à qui lon ne peult rien reprocher, en ont le cœur plus elevé, et en conçoivent