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dieux et faire pénétrer la piété au coeur des hommes par l’influence efficace et prompte du souverain. Les Romains ont aimé Tatius, un prince étranger, et ils ont consacré par des honneurs divins la mémoire de Romulus. Qui sait si ce peuple vainqueur ne va pas être pris du dégoût de la guerre, et si, rassasié de triomphes et de dépouilles, il ne désirera pas un chef doux, ami de la justice, des lois et de la paix ? Mais en le supposant toujours passionnément épris, toujours fou de la guerre, ne vaudrait-il pas mieux détourner ailleurs cette ardeur impétueuse, en prenant en main les rênes, et unir la patrie et tout le peuple sabin d’un lien de bienveillance et d’amitié avec une ville florissante et redoutée ? » À ces observations s’ajoutèrent, dit-on, des présages favorables et l’empressement affectueux des concitoyens de Numa, qui, en apprenant l’arrivée des députés, le supplièrent de partir et d’accepter une royauté destinée à resserrer l’union intime des deux peuples.

7. Dès qu’il eut donné son consentement, il fit un sacrifice aux dieux, et partit pour Rome. Le sénat et le peuple, brûlant du désir de le voir, sortirent à sa rencontre. Les femmes le reçurent avec les plus vives acclamations ; on fit des sacrifices dans tous les temples ; et la ville entière témoigna autant de joie que si elle eût reçu, non pas un roi, mais un nouveau royaume. Lorsqu’on fut arrivé à la place publique, Spurius Vettius, qui ce jour-là remplissait les six heures d’interrègne, fit procéder à l’élection. Numa réunit tous les suffrages ; et on lui apporta les marques de la dignité royale. Mais, avant que de les recevoir, il dit qu’il fallait d’abord s’assurer du consentement des dieux ; et prenant avec lui des prêtres et des devins, il monta au Capitole, que les Romains appelaient alors la roche Tarpéienne. Là, le premier des augures, lui couvrant le visage d’un voile, le tourna vers le midi ; et, se tenant derrière Numa, il lui étendit sa main droite sur la tête, fit une prière, et porta sa vue de tous les côtés, pour observer ce que les dieux feraient connaître par le vol des oiseaux ou par d’autres signes. Pendant ce temps-là, un silence profond régnait dans la place, malgré la grande affluence de citoyens qui y était réunie. Tous les esprits étaient suspendus dans l’attente de