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VIE D’HOMÈRE.

Redoute, d’ici là, l’énigme malaisée,
Qui par des jeunes gens te sera proposée.

On rapporte aussi un autre oracle en ces termes :

Ton destin à la fois est funeste et prospère.
Tu cherches ta patrie : or celle de ton père
N’est pas la tienne ; il faut la demander aux lieux
Où ta mère naquit, cette île aux bords heureux,
Que de Crète et de nous sépare un même espace.
Maintenant, chez les morts quand dois-tu prendre place ?
Le jour où d’un propos dit par des jeunes gens
Tu n’auras pas compris le mystérieux sens.
Oui, double est ton destin : tu dois dans l’indigence,
Aveugle et mendiant, traîner ton existence ;
Mais tu dois, en retour, à jamais respecté,
Jouir, comme les dieux, de l’immortalité.

S’étant embarqué peu de temps après pour aller à Thèbes aux fêtes de Saturne, dans lesquelles on célèbre des jeux de musique, il aborda dans l’île d’Ios. Là, assis sur une roche, il regardait des pêcheurs qui revenaient à bord, et il leur demanda s’ils avaient quelque chose. Ceux-ci qui n’avaient rien pris, et qui s’étaient amusés à se chercher leurs poux faute d’avoir une autre chasse à faire, lui répondirent :

Ce que nous avions pris, nous l’avons laissé ; puis
Ce que nous rapportons, nous ne l’avons pas pris.

Ils voulaient dire que, ayant tué les poux qu’ils avaient pu prendre, il les avaient jetés, et que ceux qu’ils n’avaient pas pris, ils les rapportaient dans leurs vêtements. Homère n’ayant pu deviner cette énigme, se laissa aller au désespoir, et en mourut. Les habitants d’Ios lui firent des funérailles magnifiques, et mirent sur son tombeau cette épitaphe :

Cette terre renferme et la tête et les os
D’Homère, qui chanta les dieux et les héros.

D’autres disent qu’il était de Colophon. Ils s’autorisent