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CONTRE COLOTÈS.

cien Ion, les Athéniens ; comme Deucalion, presque tous les Hellènes. Ces législateurs avaient établi des prières, des serments, des oracles, des prédictions. Par la crainte et l’espérance tout ensemble, ils avaient inspiré aux populations une ardeur religieuse. Allez n’importe où : vous pourrez trouver des villes sans murailles, des villes où l’instruction soit nulle, où l’on ignore ce que c’est qu’un roi, ce que c’est que des maisons, que des affaires d’intérêt, où l’on n’ait pas besoin de monnaie, où ne se soient jamais vus des théâtres et des gymnases. Mais vous n’en citeriez pas une qui ne reconnaisse rien de sacré et de divin ; où l’on ne formule pas des vœux, des serments, des prédictions ; où l’on ne sacrifie pas, soit pour obtenir des biens, soit pour détourner des maux. Non, jamais ne s’est vue, jamais ne se verra une semblable cité. Pour moi, je comprendrais mieux une ville existant sans un sol, que je ne pourrais me figurer une ville qui se serait organisée ou maintenue après qu’on y aurait eu détruit complétement l’idée de la Divinité. C’est ce lien de toute communauté, cette base, ce fondement de toute législation, que les Épicuriens anéantissent. Ils n’y vont pas par des voies détournées, d’une manière mystérieuse ou énigmatique : c’est le premier dogme qu’ils présentent tout d’abord dans l’exposé de leurs « Maximes dominantes. » Puis après cela, comme poursuivis par la vengeance céleste, ils avouent qu’ils sont bien coupables de confondre tous les droits, de renverser les lois et l’empire des lois, et ils se déclarent indignes de toute excuse. Or, se tromper dans ses opinions est le propre, sinon des sages, au moins des hommes, mais reprocher aux autres les fautes dans lesquelles on tombe soi-même, est une conduite qui ne saurait se qualifier que par l’appellation qu’elle mérite véritablement.

32. Lorsque Épicure, écrivant contre Antidore ou contre Bion le Sophiste, parlait de lois, de gouvernement d’administration régulière, certes on aurait bien pu lui dire :

De ton lit garde-toi de bouger, malheureux !