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CONTRE COLOTÈS.

de « la vie tranquille », et le présenter comme une tête de Méduse, ils ont été obligés de céder. Tous leurs efforts, toutes leurs manœuvres, n’ont pu parvenir à ce que l’impulsion qui nous fait agir consentît à devenir une adhésion, consentît à accepter les sens comme principe de son élan. Il est resté démontré, que d’elle-même cette impulsion se porte aux actes sans avoir besoin du concours de l’assentiment. Au reste, avec ces adversaires les luttes ont un caractère de légitimité :

Aux arguments de poids ils en opposent d’autres[1].

Mais parler à Colotès de toute cette théorie de l’impulsion et de l’assentiment, c’est jouer de la lyre aux oreilles d’un âne. Il faut avoir affaire à des auditeurs qui sachent suivre et écouter un raisonnement. À ceux-là on pourra dire : « Il y a trois mouvements auxquels obéit notre âme : mouvement d’imagination, mouvement d’appétition, mouvement d’adhésion. Le mouvement d’imagination ne saurait, avec toute la meilleure volonté possible, être supprimé. Il ne peut pas ne pas se faire que quand nous nous trouvons devant les objets, nous recevions d’eux une impression déterminée et une affection quelconque. Le mouvement d’appétition est éveillé par le mouvement d’imagination. Il nous porte vers ce qui nous est convenable, et nous détermine à agir par l’élan et l’impulsion imprimée à la faculté principale de notre âme. Ce deuxième mouvement n’est pas anéanti non plus par ceux qui prêchent la suspension de tout assentiment ; et ils s’accommodent de l’élan qui par un effet naturel nous porte vers ce qui nous est convenable. Quel est donc le point devant lequel ils reculent ? C’est celui auquel seul s’attache l’erreur et la fausseté. Ils n’admettent point que tout d’abord la croyance et l’assentiment soient déterminés : ils ne verraient là qu’une concession faite par faiblesse à la simple apparence des objets, et accordée sans qu’il y eût la moindre utilité. En effet, pour agir il faut que nous ayons devant les yeux ce qui offre une convenance avec notre nature,

  1. Iliad., XX, 250.