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CONTRE COLOTÈS.

ser comme celle de vivre ? En vérité, lorsque Socrate pose de telles questions, il ne supprime pas l’existence. Tous ceux qui étudient la nature se les adressent également. S’il est des questions fâcheuses et capables de porter le trouble dans les habitudes de la vie, ce sont bien plutôt celles qui se trouvent dans le Phèdre[1] : « Il faut se livrer à la contemplation de soi-même, afin de savoir si l’on est une bête sauvage, plus artificieuse, plus violente qu’un Typhon, ou bien si l’on est un être participant à une nature divine exempte de toute orgueilleuse impétuosité. » Eh bien, cette enquête elle-même ne tendrait pas à supprimer la vie. Elle aurait pour résultat d’en bannir la bruyante arrogance, l’orgueil, l’insupportable et excessive présomption, la vanité hautaine. Tous ces défauts constituent le véritable Typhon, celui que votre guide, que votre maître a largement installé dans vos âmes, celui qui déclare la guerre aux Dieux et aux mortels inspirés des Dieux. 22. Après Socrate et Platon, c’est à Stilpon que Colotès s’attaque. Mais ne croyez pas qu’il reproduise les véritables dogmes du philosophe, et ces discussions éloquentes, glorieuses pour Stilpon, pour sa patrie, pour ses amis, pour les rois qui lui portaient un si vif intérêt. Il n’est trace de rien de tout cela dans ce qu’écrit Colotès. Il ne parle pas non plus de tout ce que cette âme avait de fierté unie à la modération et à la douceur. Non : mais au nombre des objections insignifiantes par lui proposées aux sophistes en se jouant et sous forme de plaisanterie, il en rappelle une seule, sans la réfuter, sans affaiblir ce qu’elle a de vraisemblable, et le voilà qui déclame en tragique contre Stilpon. Il prétend que ce philosophe anéantit la vie humaine parce qu’il avance cette proposition, à savoir, que ce que l’on affirme d’une chose ne s’affirme point d’une autre. Colotès s’écrie à ce propos : « Comment vivrons-nous, si nous ne pouvons dire « un homme vertueux, un homme revêtu d’un commandement militaire », et s’il faut dire « un homme qui

  1. Chap. IV. Éd. Didot, vol. I, p. 700.