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de la création de l’âme

substance éternelle et excellente. À la nouvelle âme Dieu a donné la raison, la régularité. Il en a fait une espèce de forme. De sa substance personnelle il a détaché l’entendement pour le combiner avec ce qui n’avait que la faculté sensible ; il a détaché l’ordre pour en doter ce qui ne savait qu’imprimer un mouvement, et c’est cette nouvelle âme qu’il a constituée directrice de l’univers.

C’est ainsi que Platon explique encore comment l’âme du monde est en partie incréée, en partie créée. Ses propres paroles sont celles-ci : « Tout ce qui était visible, tout ce qui n’était pas en repos, mais se mouvait confusément, Dieu le prit et le régularisa. » Quand il dit ailleurs : « Les quatre éléments, le feu, l’eau, la terre et l’air, avant que l’univers eût été formé de leur combinaison, portaient l’ébranlement dans la matière, et étaient à leur tour agités par elle en raison de cette incohérence, » quand, dis-je, Platon parle ainsi, il pose en fait que les corps étaient créés et subsistaient sous un certain état avant la naissance du monde. D’un autre côté, quand il dit : « Le corps existe de date plus récente que l’âme. Le monde a été créé puisqu’il est visible, tangible, puisqu’il a un corps ; et il est évident que de telles substances sont nées et devaient naître », ces paroles interdisent à qui que ce soit de douter que Platon ne donne une génération à la nature corporelle. Mais il s’en faut bien qu’il se contredise et se démente lui-même d’une manière aussi formelle sur les points les plus importants. Il ne dit pas que ce soit de la même manière, ni que ce soit le même corps qui soit sorti de la main de Dieu et qui ait existé avant d’être né. Ce serait le langage effronté d’un vendeur d’orviétan. Mais il a soin de nous enseigner lui même ce qu’il entend par génération : « Dans le principe, dit-il, tout cela était sans raison et sans mesure. Mais quand Dieu entreprit de régulariser l’univers, il commença par le feu. Puis il continua successivement par l’eau, par la terre, par l’air : éléments qui offraient bien quelques traces de ce qu’ils sont aujourd’hui, mais qui étaient entièrement dans la disposition où doivent être toutes choses quand Dieu