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dans le timée.

pour cela une harmonie. C’est ce que Platon a démontré lui même dans son Traité de l’âme[1]. Il est évident, du reste, que les uns et les autres ont ignoré ce que veut dire Platon quand il parle de l’être qui est toujours le même, et de l’être changeant. Car ils disent que l’un intervient pour donner l’élément, « stabilité », et l’autre, l’élément « motion », quand il s’agit de la création de l’âme. Or Platon lui-même, dans le Sophiste[2], parle en termes précis de l’être pris d’une manière générale, de l’être restant toujours le même, de celui qui change, puis du repos, puis du mouvement. Il présente ces principes comme distincts les uns des autres, comme étant au nombre de cinq ; et il assigne à chacun d’eux une place bien distincte, bien déterminée.

4. Mais il est un passage de sa doctrine que, par crainte et pour trouver grâce, ces deux classes de commentateurs, et en général tous ceux qui pratiquent Platon, s’attachent à forcer de toute manière et à intervertir. Comme ils y voient quelque chose de monstrueux et d’indicible, ils se figurent qu’ils doivent le cacher sous un voile et le désavouer. Je parle du système par lequel notre philosophe explique la création et la composition de l’âme et du monde, par lequel il prétend prouver que le monde et l’âme ne sont pas composés de principes éternels, et qu’ils n’ont pas été de toute infinité dans l’état où ils se trouvent. C’est là un point de la doctrine de Platon, traité par moi dans un discours spécial ; et ici je me contenterai de dire, que les débats et les explications de Platon contre les partisans de l’athéisme, débats et explications que le philosophe avoue lui-même avoir soutenus avec une ardeur au-dessus de son âge, sont des textes où généralement on porte aujourd’hui la confusion. Que dis-je ! On les anéantit entièrement. Si le monde est incréé, dès lors Platon voit disparaître ce grand principe avancé par lui, à savoir que l’âme est antérieure au corps,

  1. Cet ouvrage ne nous est pas parvenu ; mais dans le Phédon, auquel M. Cousin a donné pour second titre, « ou de l’âme », ch. XLII (Éd. Didot, vol. I, p. 74.) Şimnias soutient que la nature de l’âme consiste dans l’harmonie, et Socrate le réfute.
  2. Le Sophiste, chap. XLI. Éd. Didot, vol. I, p. 192.