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de la création de l’âme

sition et l’économie si l’on n’admet pas au préalable qu’il ait été créé et qu’il y ait eu dans le principe un concours d’éléments créateurs, il s’était déterminé à suivre ce procédé de raisonnement[1].

Voilà l’exposé général des deux commentaires. Eudore pense qu’ils ne manquent de probabilité ni l’un ni l’autre. Moi, au contraire, j’estime que tous les deux faussent la doctrine de Platon, si l’on doit prendre pour règle la vraisemblance, et si, au lieu de substituer des opinions personnelles, on veut ne rien dire qui ne se trouve parfaitement en rapport avec les paroles du philosophe. Pour parler de ce qu’on appelle la fusion de l’essence intelligible et de la sensible, il n’est pas du tout démontré clairement que l’âme se produise de cette fusion, plus que ne s’en produirait n’importe quoi. Car ce monde lui-même et chacune de ses parties sont composés de la substance corporelle et de l’essence intelligible : la première ayant fourni la matière et le sujet, la seconde ayant fourni la forme et l’espèce quand exista la matière. La portion de matière qui prend une forme par sa participation et sa ressemblance avec le principe intelligible, devient aussi tangible et visible ; mais quant à l’âme, elle échappe à toute appréciation des sens. Platon n’a jamais dit d’elle, que ce fût un nombre. Il a déclaré qu’elle est un mouvement qui trouve sa cause en soi, qui existe toujours, et qu’elle est la source et le principe de tout mouvement.

Le nombre, la proportion, l’harmonie, sont des perfections au moyen desquelles Platon a orné l’âme, du moment qu’il a fait d’elle un sujet. Il a voulu qu’elle reçût la forme la plus belle : forme que le nombre, la proportion, l’harmonie ne peuvent manquer de réaliser. Mais, selon moi, autre chose est de dire : « l’âme est constituée d’après un nombre », et de dire : « la substance de l’âme est un nombre ». Si l’âme est un composé harmonieux, elle n’est pas

  1. Autrement dit, Platon s’était déterminé à supposer que l’âme et le monde avaient été créés ; et il leur appliquait les mots qui représentent ce genre d’idées, à savoir les mots création, naissance, etc.