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du philosophe, parce que ce dernier appareil rendait Diogène plus invincible et plus invulnérable qu’Alexandre ne l’était lui-même avec tant d’hommes armés, avec tant de chevaux et de javelines. Mais il pouvait, en s’occupant de philosophie, devenir un Diogène par ses dispositions, en même temps que rester un Alexandre par sa fortune. Il pouvait d’autant mieux devenir un Diogène, qu’il était un Alexandre, et que contre cette grande fortune exposée à des vents si furieux et à tant d’agitations, il avait besoin de plus d’appuis et d’une direction plus souveraine.

[6] Chez de faibles et obscurs mortels, chez de simples particuliers, la sottise neutralisée par le manque de pouvoir aboutit à l’absence de toute faute. Les passions en eux sont comme des mauvais songes, qui bouleversent leur âme sans qu’elle ait assez de force pour satisfaire ses désirs. Mais quand le vice se met à la disposition de l’autorité souveraine, il donne un nouveau nerf aux passions ; et le mot de Denys est vrai : que la principale jouissance du pouvoir consiste dans le prompt accomplissement de sa volonté. Il y a donc grandement risque que l’on veuille ce qu’il ne faut pas quand on peut ce que l’on veut. "A peine il avait dit, que la chose était faite". Le vice trouve dans la souveraine puissance un véhicule rapide : c’est elle qui pousse toutes les passions hors de leurs limites. La colère devient meurtre, l’amour, adultère, la cupidité, dilapidation. "A peine le maitre a parlé…" celui qui l’a irrité succombe. Un soupçon a traversé l’âme du prince, et celui qui en est l’objet a reçu la mort. Comme les physiciens disent que l’éclair s’échappe après la foudre ainsi que le sang coule après qu’on a été blessé, mais