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de celle-ci enlevait d’en-bas l’échelle, et, le jour venu, elle la rapportait pour l’appliquer de nouveau. Jugez combien un tel homme devait frissonner au théâtre, dans son palais, au sénat, dans un festin, puisque de sa chambre à coucher il faisait une prison ! C’est qu’en effet les vrais rois craignent pour leurs sujets, mais le tyran craint ces mêmes sujets. Avec sa puissance, il augmente aussi ses terreurs ; et plus sont nombreux ceux qu’il gouverne, plus il redoute d’ennemis.

[5] Il n’est ni logique ni séant de dire, comme certains philosophes, que Dieu se trouve confondu dans une matière soumise à tous accidents, et qu’il est associé à des faits impliquant mille nécessités, mille chances, mille changements. Non : Dieu réside dans les espaces supérieurs, au sein d’une nature appropriée à cet effet. Là, ayant sous ses ses pieds une base toute sainte, comme dit Platon, il accomplit, en suivant la droite ligne, la fin qu’il s’est proposée dans sa course régulière. Comme aux cieux le soleil, que Dieu y a placé pour en faire son plus magnifique emblème, est en quelque sorte un miroir dans lequel le considèrent ceux qui peuvent soutenir la vue de cet astre ; de même Dieu fait briller dans les villes, par la lumière de la justice et de la raison émanée de lui, une sorte d’image sienne : image dont les mortels heureux et prudents prennent l’idée dans la philosophie, pour se conformer à ce modèle de la beauté par excellence. Or de semblables dispositions ne sont inspirées que par les enseignements qui procèdent de cette philosophie même. Ne pas admettre ces croyances, c’est faire comme Alexandre. Il voyait Diogène à Corinthe ; et, la noblesse de ses propres sentiments lui faisant envier et admirer la généreuse fierté et la grandeur d’âme du philosophe, il s’écria : "Si je n’étais Alexandre, je voudrais être Diogène". C’était presque dire que la prospérité, l’éclat, la puissance dont il était revêtu lui semblaient autant de charges qui l’empêchaient de s’adonner à la vertu et au détachement des affaires, qu’il portait envie au manteau et à labesace