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statues il arrive que ces matières pesantes les maintiennent dans une attitude droite et solide, tandis que pour les généraux et les magistrats privés de toute instruction, leur ignorance est souvent cause qu’ils sont violemment ébranlés et qu’ils se renversent. En raison de ce que la base où pose l’édifice, démesurement grand, de leur puissance n’est pas régulièrement assise, ils chancèlent avec cette base. Une condition est donc indispensable. Comme l’équerre même, par sa rectitude et son inflexibilité, maintient droites toutes les parties d’un ouvrage, et qu’en se dirigeant d’après elle, qu’en l’appliquant, on rend toutes ces parties bien ajustées ; de même il faut qu’un souverain règne d’abord sur sa propre personne. Il doit avoir réglé son esprit, donné de la stabilité à son caractère, afin de pouvoir aussi servir de modèle à ses sujets. Il n’appartient pas à qui tombe de faire marcher droit les autres, à qui est ignorant d’instruire, à qui n’a pas de convenance d’en donner, à qui manque d’ordre d’en exiger, à qui ne reconnaît point d’autorité de vouloir exercer la sienne. Mais le plus grand nombre estiment à tort que le premier avantage qu’il y ait à commander, ce soit de n’être point commandé. Au moins était-ce l’opinion du roi de Perse, qui regardait tous ses sujets comme autant d’esclaves. Il n’exceptait que sa femme, sur laquelle précisément il aurait dû dominer plus que sur personne.

[3] Qui donc commandera à celui qui commande aux autres ? Ce sera la loi qui, selon l’expression de Pindare, "Mortels ou dieux, est la reine de tous". Je ne parle pas de la loi inscrite extérieurement sur des livres ou sur du bois, mais de celle dont la parole est vivante dans le cœur du prince lui-même, et qui, devenue sa protectrice intime, ne permettra jamais que ce prince ait une âme privée de direction. Le roi des Perses avait un de ses chambellans dont la charge était d’entrer le matin auprès de lui en disant : « Levez-vous, Sire, et consacrez-vous aux