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travaillait lui-même, mais il forçait tous ses sujets, sans distinction aucune, d’en faire autant. Ils étaient obligés de déterrer l’or, de le transporter, de le nettoyer : c’était leur occupation constante, leur travail exclusif. Un grand nombre y avaient péri, et tous étaient découragés. Les femmes vinrent déposer des rameaux de suppliantes à la porte de l’épouse de Pythès[1]. Elle leur dit de s’en retourner pleines de bon espoir. Elle fit venir ensuite les ouvriers orfévres en qui elle avait le plus de confiance, et les ayant enfermés, elle leur commanda de figurer en or des pains, des gâteaux de toute sorte, ainsi queles mets et les friandises qu’elle savait être particulièrement agréables à Pythès. Ils confectionnèrent tous ces objets. Précisément Pythès revenait d’un voyage qu’il était allé faire hors de son pays. Il demanda qu’on lui servît à souper. Sa femme ordonna de placer devant lui une table en or sur laquelle il n’y avait rien qui fût bon à manger, mais rien, aussi, qui ne fût en or. Au premier coup d’oeil Pythès se montra enchanté de ces imitations, mais unefois qu’il eut rassasié ses regards il voulut manger. Sa femme lui servit en or tous les mets qu’il se trouva désirer. Alors il s’impatienta, criant qu’il avait faim. Mais elle lui dit : « Il n’y a que cela dont vous ayez répandu l’abon dance parmi nous : le reste nous manque. Toute industrie, tout art a disparu. Personne ne laboure la terre. Semailles, plantations, récoltes propres à la nourriture, il n’est rien que nous n’ayons laissé de côté pour déterrer et a chercher un métal inutile : c’est à quoi nous nous épuisons, nous et nos concitoyens. » Ces remontrances émurent Pythès. Sans renoncer complétement à l’exploitation de ses mines, il n’y fit plus travailler qu’un cinquième des habitants et à tour de rôle. Il tourna les autres du côté de l’agriculture et des arts. Quand Xerxès marcha contre les Grecs, Pythès qui avait déployé la plus grande magnificence pour le recevoir et pour lui offrir des présents, demanda une grâce

  1. Amyot ajoute : « pour l’esmouvoir de pitié, et la prier de les vouloir secourir à ce besoing. »