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se moquaient d’elle, et lui demandaient en riant pourquoi elle se dérobait ainsi par une sorte de pudeur aux regards du seul Aristodème, et pourquoi les autres ne lui inspiraient pas le même sentiment : « C’est », répondit-elle d’un air très-sérieux[1], « parce que dans Cumes il n’y a qu’Aristodème qui soit un homme ». Cette parole produisit sur tous une profonde impression, et la honte qu’en ressentirent les plus généreux leur inspira le dessein de reconquérir leur liberté. Xénocrite qui le sut, dit, à ce que l’on rapporte, qu’elle aimerait mieux, elle aussi, charrier de la terre pour voir son père rappelé que de partager le luxe d’Aristodème et un si grand pouvoir. Elle les encouragea donc au complot qu’ils organisèrent contre le tyran, complot dont le chef était Thymotèle. Grâce aux facilités qu’elle leur ménagea pour parvenir jusqu’à la personne d’Aristodème, ils le trouvèrent désarmé et sans gardes. Ils s’emparèrent de lui facilement et le massacrèrent. Ainsi fut délivrée la ville de Cumes, grâce à l’énergie de deux femmes[2], l’une qui leur inspira l’idée et le courage de tenter l’entreprise, l’autre qui leur en prépara le succès. On offrit à Xénocrite des honneurs et des récompenses considérables. Elle relusa tout, ne réclamant que le droit d’ensevelir le corps d’Aristodème, ce qui lui fut accordé. En outre on la choisit pour prêtresse de Cérès, et l’on pensa que cette distinction ne serait pas moins agréable à la Déesse qu’elle n’était convenable pour Xénocrite.

LA FEMME DE PYTHÈS.

On dit que la femme de Pythès, lequel vécut au temps de Xerxés[3], était aussi un modèle de haute raison et de vertu. Ce Pythès, à ce qu’il paraît, avait découvert des mines d’or ; et passionné outre mesure pour les richesses qu’il en tirait, il était d’une insatiabilité sans bornes. Non-seulement il y

  1. Ces mots : « d’un air très-sérieux » ne sont pas reproduits par Amyot.
  2. Amyot : « par deux vertus d’une femme ». C’est la suite de son contre-sens signale en la note 4 de la page précédente.
  3. Amyot : « .... vécut du temps que le roy Xerxès veint faire la guerre aux Grecs. »