une fiction destinée à charmer des auditeurs ou à les effrayer. Mais ce vers :
Jupiter règle seul la guerre et les combats[1],
et ceux- ci :
Dieu sait, quand il lui plait d’éteindre une maison,
En faire promptement naitre l’occasion,
ces vers, dis-je, sont l’expression de la croyance et de l’opinion de certains poëtes qui nous ont transmis et communiqué leurs erreurs et leur ignorance.
Produisons encore un exemple[2]. Les effets de sorcellerie qui accompagnent les évocations, ces scènes où l’on produit sous des noms terribles tant de tableaux et d’apparitions de fleuves enflammés, de lieux sauvages, de châtiments effroyables, il y a bien peu d’hommes qui ignorent que le fabuleux у domine, et que le mensonge y est mêlé comme les remèdes le sont dans les aliments. Ni Homère, ni Pindare, ni Sophocle n’étaient persuadés que les choses se passassent ainsi quand ils écrivaient :
Ces fleuves endormis, ces marais de ténèbres
Exhalent un brouillard et des vapeurs funèbres ;
et :
Ils affrontent la mer, et les rocs blancs d’écume[3] :
et :
Cet étroit sentier mène aux fleuves des enfers.
Mais lorsque des poëtes se lamentent sur des trépas, sur des privations de sépulture, comme sur des malheurs affreux, lorsque dans leur terreur ils s’écrient :
Ne me refuse pas une tombe et des larmes[4] ;
et :
Son âme en s’envolant pousse un cri de détresse,
Et va pleurer là-bas sa force et sa jeunesse[5] ;
- ↑ Iliade, IV, 84.
- ↑ A savoir, un exemple où soient mises en parallèle leurs opinions, l'une reconnue par les poëtes eux-mêmes pour être fausse, et l’autre, de laquelle on peut les croire convaincus. Quelques-uns veulent que ce membre de phrase constitue une opposition : « Au contraire, les effets de sorcellerie etc. ».
- ↑ Odyssée, XXIV, 11.
- ↑ Odyssée, XI, 72.
- ↑ Iliade, XXII, 362.
