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développe rapidement parmi les hommes qui pensent. Plus encore : on commence à comprendre que seule une entente fédérative peut établir une union sans laquelle les plaines de la Russie risquent de devenir la pomme de discorde entre ses voisins belliqueux, présents et futurs.

Que c’est dans cette direction que l’on doit chercher le vrai moyen d’unir les éléments hétérogènes qui ont formé l’empire russe – toute l’histoire des temps modernes le prouve. Elle abonde en exemples montrant que la fédération a toujours mené à l’union, tandis que la méthode opposée de la centralisation a toujours entraîné la discorde et la désagrégation. Voici quelques-uns de ces exemples.

L’empire britannique nous offre un exemple particulièrement frappant. Les deux méthodes : fédération et centralisation, y ont été essayées, et les résultats, des deux sont patents. À ses colonies, au Canada, en Australie et en Afrique du Sud, le peuple anglais, suivant en cela l’impulsion donnée par le parti libéral, a donné la liberté complète du self-government non seulement local, mais politique : indépendance des chambres législatives, finances, traités de commerce et armées. Il en est résulté un brillant essor économique pour ces colonies ; plus encore : lorsque des temps difficiles sont venus pour l’Angleterre, elles se sont empressées de faire de lourds sacrifices pour venir en aide à la métropole, comme pour une sœur aînée ou une mère. Les mêmes sentiments ont animé les petites îles autonomes : Jersey, Guernesey et Man, qui sont à tel point indépendantes dans leur vie intérieure qu’elles conservent, dans les relations agraires, le droit coutumier des ancien, Normands et, dans, leurs rapports avec les puissances étrangères, n’admettent pas ceux des droits d’entrée qui se sont maintenus en Angleterre.

Et, à côté de cela, quel contraste en Irlande qui, pendant tout le XIXe siècle, est restée sous le « pouvoir fort » du « château de Dublin », c’est-à-dire sous la domination de gouverneurs généraux, au lieu d’avoir un parlement et une organisation intérieure à elle ! Pendant tout le XIXe siècle, c’était l’appauvrissement de la population, à laquelle on enlevait ses terres communales pour les donner aux propriétaires « absentéistes », c’est-à-dire à des gens qui n’habitent même pas l’île, préférant se glisser dans l’administration de l’État, pendant que les paysans, ruinés jusqu’au bout, mouraient de faim ou bien en arrivaient, malgré tout leur travail, à une misère dont je n’ai jamais vu de pareille nulle part, sauf en Russie. Plus encore : les Anglais qui, comme l’a dit un jour l’éditeur bien connu, James Knowles, sont des hommes du droit romain, se montrent absolument incapables de comprendre et de gouverner les Irlandais, hommes du droit coutumier.

C’est pourquoi l’Angleterre a, dans l’Irlande, tout le temps, depuis Napoléon ier jusqu’à la dernière guerre, un ennemi toujours prêt à s’unir à ses ennemis à elle pour une insurrection armée.. Et s’il n’est pas arrivé en Irlande ce qui est arrivé chez nous, pour la Finlande et l’Ukraine, c’est uniquement parce qu’il s’est trouvé, en Angleterre, depuis Gladstone et le parti libéral, des hommes gagnés aux idées du « droit coutumier » qui ont compris que les lois agraires de l’Irlande demandaient un changement radical dans l’intérêt des paysans et ont renoncé au désir de gouverner ce pays,