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LIVRE QUATRIÈME.

l’Intelligence, de telle sorte qu’une de ses parties soit ici, une autre là ? Dans ce cas, aucune des deux parties ne sera intelligence. Enfin, divisera-t-on l’Être lui-même ? Mais, si c’est la totalité qui est l’être, la partie n’est pas être. Répondra-t-on que les parties des corps sont bien aussi des corps ? Mais ce qu’on partage, ce n’est pas le corps [pris en soi,] c’est tel corps qui a telle étendue : chacune de ses parties possède la forme qui le fait nommer corps ; or, la forme n’a pas telle étendue, n’a même aucune espèce d’étendue.

IV. Si l’Être est un, comment peut-il y avoir pluralité d’êtres, d’intelligences, d’âmes ? — L’Être est un partout, mais son unité n’exclut pas l’existence d’êtres qui lui soient conformes. Il en est de même de l’unité de l’Intelligence, de celle de l’Âme, quoique l’Âme de l’univers soit différente des âmes particulières.

Il semble qu’il y ait contradiction entre les assertions que nous émettons ici et celles que nous ayons émises ailleurs, et notre démonstration s’impose à l’esprit plus qu’elle ne le persuade. On ne peut croire que l’Être qui est un soit ainsi partout identique ; il semble préférable d’admettre que l’Être considéré dans sa totalité est susceptible de division, pourvu que cette division ne le diminue pas ; ou, pour nous servir de termes plus justes, qu’il engendre toutes choses en demeurant en lui-même[1], et que les âmes qui naissent de lui et sont ses parties remplissent tout. Mais si l’on admet que l’Être un demeure en lui-même parce qu’il semble incroyable qu’un principe puisse être partout présent tout entier, on sera arrêté par la même difficulté au sujet des âmes : car il en résultera que chacune d’elles ne sera plus tout entière dans tout le corps, mais qu’elle y sera divisée, ou bien, si elle reste entière, que c’est en résidant dans une partie du corps qu’elle lui communiquera sa puissance. On pourra faire pour les

  1. Nous lisons avec M. Kirchhoff ἐφ’ ἑαυτοῦ (eph’ heautou), au lieu de ἐξ ἑαυτοῦ (ex heautou).