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SIXIÈME ENNÉADE.


rang à l’acte et de placer après lui, comme une espèce, le mouvement avec la qualité d’imparfait, en disant que le mouvement est un acte, et en ajoutant [comme différence spécifique] qu’il est imparfait[1]. Si l’on dit que le mouvement est un acte imparfait, ce n’est point parce qu’il n’est pas acte, mais parce que, tout en étant acte, il implique succession ; or le mouvement implique succession, non pour arriver à être acte (car il l’est déjà), mais pour arriver à accomplir une chose dont il est tout à fait distinct ; alors [quand le terme est atteint], ce n’est pas le mouvement qui devient parfait, c’est la chose qu’il avait pour but. La marche, par exemple, est marche dès le premier pas ; mais, s’il y a un stade à parcourir et que ce stade ne soit pas encore parcouru, ce qu’il en manque ne manque pas à la marche ni au mouvement [pris absolument], mais à telle marche : car la marche a été marche et mouvement dès le premier pas[2] : ainsi, celui qui se meut s’est déjà mû, et celui qui coupe a déjà coupé [c’est-à-dire se mouvoir et couper expriment une action parfaite tout comme s’être mû et avoir coupé]. De même que l’acte, le mouvement n’a pas besoin du temps ; il n’en a besoin que pour être tel mouvement[3]. Si l’acte est en dehors du temps, il en est de même du mouvement pris absolument. Si l’on prétend que le mouvement est dans le temps parce qu’il implique continuité, il en résulterait que l’intuition même, si elle était prolongée, impliquerait aussi continuité et serait dans le temps. En raisonnant par induction, on voit qu’on peut toujours distinguer des parties dans toute espèce de

  1. Les objections que Plotin fait ici à la doctrine d’Aristote sont citées et discutées par Simplicius dans son Commentaire des Catégories, fol. 77, d.
  2. Cette objection de Plotin et la réponse qu’y faisait Jamblique sont citées par Simplicius dans son Commentaire des Catégories, fol. 78, d.
  3. Cette théorie est citée et discutée par Simplicius, ibid., fol. 78, d.