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LIVRE TROISIÈME.


Connaître n’appartient ainsi qu’à la nature qui occupe le second rang. La connaissance n’est qu’une Unité particulière, tandis que l’Un est l’unité absolue : en effet, ce qui est une Unité particulière n’est pas l’unité absolue, parce que l’absolu est au-dessus du particulier (τὸ αὐτὸ πρὸ τοῦ τι (to auto pro tou ti)).

XIII. Ce principe est par conséquent véritablement ineffable. Quelque chose qu’on en affirme, on le particularise. Or ce qui est au-dessus de tout, même au-dessus de l’auguste Intelligence, n’a véritablement pas de nom, et tout ce qu’on en peut dire, c’est qu’il n’est aucune chose. On ne peut lui donner aucun nom, puisqu’on ne peut rien affirmer de lui. Nous parlons de lui seulement comme nous pouvons[1]. Dans notre incertitude, nous disons : « Quoi ? ne se sent-il pas, n’a-t-il pas conscience de lui-même, ne se connaît-il point ? » Nous devons alors réfléchir qu’en parlant ainsi nous pensons aux choses qui sont opposées à Celui que nous considérons maintenant. Nous le rendons multiple en supposant qu’il peut être connu et posséder la connaissance. Si nous lui accordons la pensée, il semble qu’il en ait besoin. Si nous supposons qu’elle se trouve en lui, elle est superflue. Car en quoi consiste la pensée ? dans la conscience qu’ont du tout qu’ils forment les deux termes qui concourent à l’acte de la pensée et qui s’y identifient ; c’est à se penser soi-même, et se penser soi-même c’est penser véritablement : car chacun des deux éléments de la pensée est lui-même une unité à laquelle il ne manque rien. Au contraire, la pensée des objets extérieurs [à l’Intelligence] n’est pas parfaite, n’est pas la véritable

  1. Le P. Thomassin cite ce passage et le commente en ces termes : « Non solum supra corpora tantum, sed et supra naturas viventes, rationales, intellectuales, quas animarum nomine significabamus, provehenda est divina simplicitas ex Plotino. Est enim Deus supra omnia, supra animas, supra primam mentem, supra nomina, supra omnia quæ vel dici possunt vel cogitari, etc. » (Dogmata theologia, t. I, p. 197.)